Rencontre

©Monaco Monsieur, Publication de Septembre 2016

 

 

Féru d’art et créateur insatiable, José Eisenberg est un homme aussi brillant qu’attachant. Son ambition ? Voir grandir sa marque éponyme de cosmétiques, parfums et maquillage, et multiplier les projets aux côtés de son fils, Edmond. Portraits croisés d’un duo prolifique.

José Eisenberg a réussi à bouleverser son destin. D’une insignifiante chambre de bonne à Bucarest, en passant par les secrètes alcôves d’un atelier florentin, jusqu’à la terrasse du Rocabella, l’une des plus célèbres tours monégasques, notre homme a su trouver sa place. Parti de rien, mais nourri d’une impressionnante détermination, il s’est frayé un chemin vers la réussite. Ses armes ? Sa force de caractère et son amour inconditionnel pour l’art, la technologie et la beauté. Très discret dans les médias, José Eisenberg est revenu, en exclusivité, pour Monaco Monsieur sur son histoire et les étapes qui l’on mené près du Rocher. Amoureux de la beauté, l’esprit créatif d’Eisenberg Paris est un homme fort qui dissimule derrière un regard franc, une étonnante douceur. Un personnage qui suscite l’admiration, dès la première poignée de main, et qui vous reçoit en toute humilité et se confie avec aisance. Attablé, aux côtés de son fils, Edmond avec en arrière plan la Méditerranée et les buildings monégasques, José Eisenberg s’est confié sur sa carrière multiple, faite de rebondissements, d’émotions et de rencontres. S’il dirige désormais, d’une main de maître, un empire de la beauté, ce natif de Roumanie, a grandi bien loin des frontières monégasques.

De Bucarest à Florence

« Trois années après ma naissance, ma famille est devenue l’ennemie du peuple ». Né dans la ville de Bucarest, en 1945, fils d’industriels du textile, depuis l’âge de 3 ans, José Eisenberg a été élevé dans la misère. « Mes parents habitaient une immense villa, à proximité du palais du roi jusqu’au jour où les communistes ont renversé le pouvoir en place. En un instant, nos biens ont été nationalisés, nous avons tout perdu, et nous nous sommes retrouvés dans 12m2, hébergés dans les appartements des domestiques ».

C’est à l’âge de 13 ans que le jeune garçon réussira à fuir le pays, aux côtés de ses parents. Ils sont devenus apatrides, mais une nouvelle vie les attendait en Italie. « C’est à Florence que mon histoire commence », note de sa voix posée, teintée d’un accent slave, l’ambitieux José Eisenberg. « Je n’avais pas eu la possibilité d’avoir une vraie scolarité, je n’avais connu que la misère, mais j’ai eu la chance incroyable de me retrouver au cœur de la capitale mondiale de la beauté née de la Renaissance. Art, mode, beauté, technologie,... Florence est la ville de Léonardo da Vinci, le berceau de la création artistique ». Embauché comme apprenti dans un atelier de restauration d’art, José enchaîne les tâches les plus humbles. « On m’envoyait acheter des cigarettes, chercher le journal... mais j’étais au contact de la beauté. J’étais immergé au cœur de la création florentine de la fin des années 50 ». Il ne fait pas son éducation, installé sur les bancs d’une université, mais dans la rue, au contact des artisans.

Si la haute couture ne faisait pas partie de ses priorités, c’est à travers ce domaine d’expression que José Eisenberg a commencé à gagner sa vie. « A 22 ans, je dessinais des croquis pour les plus grandes maisons de prêt-à-porter italiennes. Mais à l’époque, l’Italie comme la France faisait face à la crise de mai 68. Les usines de fabrications étaient bloquées. Tout était au ralenti ». Bien décidé à s’imposer, José Eisenberg se réfugie dans la plus petite région d’Italie, la Basilicate. « C’était un endroit si pauvre que même la mafia n’en voulait pas », ironise le designer. « En commençant avec un petit atelier, puis une fabrique et plusieurs couturières nous avons pu fournir de grands noms de la couture ... Puis nous avons grandi jusqu’à devenir une véritable industrie. En 1972, j’employais plus de 75 000 habitants de la région ». Et bien décidé à ne pas s’arrêter en si bon chemin, le chef d’entreprise a répondu aux appels de la grande distribution. « Nous avons été démarchés par Otto Versand, une entreprise allemande, leader mondial de la vente à distance. Ils m’ont demandé de dessiner de nouveaux modèles pour leurs catalogues ». Quelle, Neckermann, les 3 Suisses et bien d’autres sont devenus ses clients. Ils se sont mis à produire des millions de pièces qui ont coloré les dressings des grandes capitales européennes. Résultat, à 27 ans, José Eisenberg est fait citoyen d’honneur par le Président de la République italienne. « D’apatride, rejeté par le régime de mon pays, je suis devenu citoyen d’honneur italien ». Un revirement de situation incroyable. Une réussite fulgurante.

Expérience Outre-Atlantique

En parallèle à ses premiers amours, l’art et la beauté, en 1974 José Eisenberg investit son talent et son capital dans les nouvelles technologies. Un nouveau challenge, et de nouveaux projets. Et une nouvelle histoire qui l’entraine à Boston en créant JE Contrex. Sur place, il recrute une dizaine de chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Deux ans plus tard, 120 scientifiques concentrent leurs efforts sur l’intelligence artificielle. Un œil électronique capable de remplacer celui de l’homme. Si les recherches sont concluantes, la technologie ne suit pas et les ordinateurs de l’époque ne sont pas assez performants. « L’œil fonctionnait, mais la reconnaissance était trop lente. Cela n’était pas viable commercialement. Cette affaire m’a donné un nouveau challenge, j’y avais investi énormément d’argent et de temps ». Dans le vocabulaire de José Eisenberg, le mot « échec » n’existe pas. Et rien ne l’abat. Il lance une nouvelle société et produit des ordinateurs personnels, la Eisenberg Data Systems (EDS) avec leurs propres softwares. Une entité qui se développera à l’international jusqu’à l’arrivée d’IBM sur le marché. Sa passion pour les technologies en partie assouvie, le créatif insatiable, continue à mettre son ambition au service de la beauté. A l’époque où tous les professionnels du secteur se concentrent sur les souches animales, le Résident monégasque se tourne vers l’alliance du meilleur de la nature et de la science. Treize années ont été nécessaires à la dizaine de scientifiques mobilisés pour découvrir ce que José Eisenberg baptisera « la Formule Trio-Moléculaire® », une combinaison de molécules naturelles qui permet de régénérer la peau en profondeur. Les résultats sont significatifs et une fois tous les tests pharmacologiques, médicaux et cosmétologiques validés, la marque était prête à voir le jour.

Eisenberg à Paris

Art, beauté et technologie. S’il lance une nouvelle marque et s’attaque à un nouveau secteur, José Eisenberg ne négligera aucune de ses passions. Bien au contraire, elles forment l’ADN de sa marque. Loin d’être une enseigne de cosmétiques ordinaire, cette entreprise familiale a une âme. En plus des gammes de crèmes et autres produits de beauté, depuis 2010, la ligne « L’art du parfum » a permis d’ajouter une notion encore plus artistique. Le secret de cette collection de fragrances? Le coup de foudre vécu entre José Eisenberg et l’œuvre du peintre brésilien, Juarez Machado. « Je l’ai découvert pour la première fois dans une galerie d’art à Saint Paul de Vence. Je suis tombé fou amoureux de son art ». Par la suite, le collectionneur a contacté l’artiste pour lui faire une commande spéciale. « Mon rêve aurait été d’avoir vécu à Venise dans les années 1700 », confie José Eisenberg. Juarez Machado s’est donc exécuté. Il a fallu 1 an, et plusieurs allers-retours entre Monaco et Paris pour que la toile de ses rêves prenne forme. « Là, j’ai compris qu’une personne capable d’accepter autant de changements devait être aussi folle que moi ! », s’amuse l’amateur d’art. Résultat, les deux hommes sont devenus des amis. Et c’est à ses côtés qu’il a pensé les images qui accompagnent chacun de ses parfums. Baptisés : Back to Paris, Diabolique, Tentation et le reste de la collection.

« Depuis sa naissance, Edmond a été préparé pour continuer la marque. Je lui transmets ma passion ».

Héritage

Eisenberg Paris est à l’image de son concepteur : vibrante, artistique, subtile et multiple. « Pour travailler à nos côtés, il faut vivre la marque », note le CEO. Alors qui mieux que son fils, Edmond Eisenberg pour la faire grandir ? Regards clairs identiques et même élégance, le duo père et fils fonctionne en symbiose. Il suffit de quelques minutes pour déceler la complicité qui unit les deux hommes, et noter les nombreux traits de caractère qu’Edmond a hérité du côté paternel. Les femmes ? Il les aime autant que son aîné. « Je vois beaucoup de beauté dans différents types de femme. J’idéalise la femme en général, mais je n’ai pas un type de femme… » Amateur d’art, de son côté, c’est à travers la musique qu’il s’exprime depuis l’enfance. Pianiste, violoniste virtuose et compositeur, le jeune homme a également étudié l’art théâtral, à Londres, en parallèle de ses études de business international. Sa place ? Travailler en binôme avec son père, mettre sa créativité au service du développement de la maison de cosmétiques familiale. « Depuis sa naissance, Edmond a été préparé pour continuer la marque ». Et son fils ajoute : « Nous ne voulons pas de partenaires, ni entrer en bourse. Nous tenons à rester une S.A.M monégasque ». Représentant de la nouvelle génération, Edmond participe également au positionnement de la marque sur les réseaux sociaux et sur le plan numérique ainsi que sa stratégie au niveau mondial. « Nous vivons la marque au jour le jour. Et je tiens à dire qu’à mes yeux, la meilleure école est celle de la vie. Pouvoir partager l’expérience et les connaissances de mon père au quotidien est une chance incroyable. C’est là que j’ai le plus appris ». L’avenir ? De nombreux projets à Monaco comme à l’étranger, toujours dans le domaine de la beauté ainsi que de nouvelles gammes. Le duo Eisenberg promet de faire largement parler de lui.